• Carte géographique

     

     

     

     

    Comparé en son temps à une toile d’araignée, le curieux graphisme du revers des ailes du papillon d’Araschnia levana (Lép. Nymphalidé) lui a valu son nom de genre1 . Les partisans d’une ressemblance avec un figuré géographique lui ont attribué l’étonnant nom vernaculaire de Carte géographique. Ce papillon de jour est la plus petite des Vanesses européennes. Son envergure n’excède pas 30 à 40 mm, là ou d’autres, tel le Morio (Nymphalis antiopa), avoisinent le double. L’espèce est généralement localisée, mais souvent commune là où elle vit. Depuis quelques décennies ce papillon est en très nette extension, en Europe comme en France, fait suffisamment rare pour être souligné. Il progresse tout au long des cours d’eau, y compris de simples ruisseaux, où il trouve les prairies plus ou moins mouillées qu’il affectionne, et les orties pour le « pain quotidien » de ses chenilles. La grande originalité de l’espèce est d’avoir 2 formes du papillon, cas extrême de dimorphisme saisonnier. Linné en fut trompé, qui a décrit 2 espèces. Issue de chrysalides hivernantes, les adultes de la génération vernale (= d’hiver) apparaîssent en mai-juin et sont de couleur fauve. Ils engendrent une seconde génération dont les papillons sont quasiment noirs (forme « prorsa2 ») et volent de la mi-juillet à fi n août. La descendance de cette seconde génération est normalement destinée à hiverner, mais une partie des chrysalides peut éclore prématuré-ment, quand les conditions climatiques le permettent. Au sein de cette troisième génération, semblable à la seconde, peuvent apparaître de peu fréquentes formes individuelles (dites « porrima »), dont la coloration est intermédiaire entre les phases vernale et estivale.

    ■ LA PONTE Elle s’effectue classiquement sur la plante nourricière, et en l’occurrence sur les orties, ces « mauvaises herbes » qui nourrissent de si nombreux insectes, et notamment les plus beaux et plus familiers papillons de nos jardins, tels le Paon du jour (Inachisio) ou encore le Vulcain (Vanessa atalanta) 3 . La ponte a lieu au revers des feuilles, ce qui protège – autant que faire se peut – les œufs des intempéries et des prédateurs ! La ponte, très originale, se présente sous la forme de minuscules colonnettes constituées d’œufs assemblés bout à bout. Ces colonnes, 5 ou 6 par ponte, sont appendues sous le feuillage, chacune comportant jusqu’à 12 ou 15 œufs (j’ai même trouvé 17). La durée de l’incubation est de l’ordre de 8 à 10 jours.

    ■ LA CHENILLE Les chenilles des générations successives sont identiques. Elles sont grégaires, avec dispersion générale après la dernière mue larvaire. Elles sont noires, épineuses, et ressemblent aux chenilles du Paon du jour, en particulier à mi-parcours de leur développement. Cependant, on peut les en distinguer aisément, moyennant un peu d’attention, comme nous le verrons plus loin. Les chenilles d’Araschnia sont dotées d’épines tégumentaires « barbelées » à la fois très nombreuses et très acérées : de quoi décourager les gosiers affamés ! Elles ne sont pas urticantes et leur manipulation est sans danger pour les épidermes normalement constitués. Prudence cependant en cas de tendances allergiques... des fois que ! Quel que soit leur âge, ces chenilles usent d’un système de défense extrêmement simple mais efficace, se laissant tomber, corps enroulé en anneau, pour disparaître dans la végétation sous-jacente. Leur capacité de discernement est par ailleurs assez surprenante car tout le monde « décroche » dès qu’on touche l’ortie abritant la colonie, alors que rien ne se passe quand les feuilles s’agitent sous l’effet du vent. Une fois l’alerte passée, toutes remontent sur la plante, se regroupant là même où elles étaient avant leur dispersion.

    ■ LE DÉVELOPPEMENT LARVAIRE Différencier avec certitude les 5 stades larvaires, et en assurer le suivi, n’est pas chose aisée car ces chenilles sont petites, noires, et les indices passablement ténus. L’examen de la largeur de la capsule céphalique, seule référence, n’est applicable – et encore difficilement – qu’à petite échelle. Les risques d’erreur sont importants voire inévitables.

    ■ LA CHRYSALIDE Contrairement aux nombreuses espèces qui quittent la plante nourricière pour se nymphoser, la chenille de la Carte géographique se chrysalide volontiers sur place, sans plus de fioritures. Elle s’accommode du feuillage en l’état, tout comme des tiges de l’ortie, alors que la chenille du Vulcain, par exemple, se construit une sorte de logette nymphale faite d’une ou plusieurs feuilles repliées et maintenues entre elles par des fi ls de soie. Le dessous du feuillage est cependant particulièrement prisé et, le moment venu, les chenilles s’y amarrent tête en bas, en l’attente de se métamorphoser. Les chrysalides sont suspendues par le crémaster, sorte de griffe située à l’extrémité de l’abdomen qui, un peu à la manière du bien connu « velcro », croche dans la trame soyeuse préalablement tissée par la chenille sur le support. Chez d’autres papillons de jour, comme le Machaon, les chrysalides « ceinturées » sont fixées au support par une ligature à mi-corps. Les prémices de l’émergence sont bien visibles, avec une différence notoire et logique entre les chrysalides hivernantes (papillons fauves) et les estivales (papillons noirs). Dans ce dernier cas, la disparition progressive des plages dorées s’accompagne du rembrunissement général de la chrysalide. Au terme du processus, cette dernière laisse transparaître la couleur noire du papillon ainsi que les taches alaires claires. Pour les chrysalides hivernantes il vous faudra, comme moi, patienter jusqu’au printemps !

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